juridiqueAttacher un collègue à son lit, lui entraver la bouche, raser sa tête et le recouvrir de cirage ne constitue pas du harcèlement pour la cour d'appel d'Anvers(1). Celle-ci, estimant que de telles pratiques font partie de la formation militaire, a acquitté trois personnes. Autant dire que notre étonnement fut inversement proportionnel à la sanction et que des précisions s’imposent.


Un jeune homme de 18 ans, originaire de Bourg-Léopold, était en formation pour devenir officier lorsque le 7 mai 2009, neuf de ses condisciples l'ont pris à partie sur le campus militaire de Saint-Trond. Il a été attaché à son lit et bâillonné, avant de voir ses cheveux rasés et son corps recouvert de mousse à raser et de cirage.

Les trois auteurs principaux de ces actes avaient été condamnés en première instance à trois mois de prison avec sursis. Mais deux d'entre eux ont fait appel.

La cour d'appel les a acquittés tous les trois, car elle estime que les faits doivent être replacés dans le contexte d'une formation militaire et qu’il n'est nullement question de blessure grave ou d'atteinte à la dignité humaine, autrement dit que, ni l’art. 417quinquies, ni l’art. 398 du Code pénal(2) ne sont à prendre en compte dans cette affaire.

Il est incontestable que le métier de militaire présente une certaine « spécificité » lors de la mise en œuvre et des opérations. Mais c’est peut-être aussi cette spécificité sans cesse élargie au quotidien du militaire qui a conduit la Cour d’appel d’Anvers à considérer que le harcèlement fait partie de la formation militaire. La CGSP a souvent mis en garde l’État-major contre cette dérive qui consiste à dire qu’un militaire n’est pas un fonctionnaire comme les autres dans le seul but de contourner la législation.

Nous rappelons que le personnel doit faire preuve de la plus grande prudence, car chaque dossier est différent et un jugement n’est pas l’autre. Considérer que cet arrêt ouvre la porte à une forme de « soft harcèlement » serait une erreur. Chaque affaire est à replacer dans son contexte. Des militaires ont perdu leur emploi pour bien moins que cela.

Rappelons également que la directive « Activités d’intégration »(3) interdit toute forme de baptêmes ou de bizutages. Elle permet tout au plus certaines activités qui entrent dans le cadre de la transmission des traditions et la promotion de la cohésion, qui sont même encouragées, pour autant que celles-ci soient reconnues officiellement et encadrées par un membre de l’autorité. Par contre, elle exclut les humiliations, telles l’obligation de porter une tenue inappropriée, les insultes répétées, la mise en quarantaine, les activités en contradiction avec les convictions de l’individu, l’obligation de se dévêtir, etc.

  1. Arrêt C/1550/2015 Cour d’appel d’Anvers

  2. C.P. Art. 471 quinquies : Quiconque soumettra une personne à un traitement dégradant sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à deux ans et d'une amende de 50 EUR à 300 EUR ou d'une de ces peines seulement. Si le traitement dégradant est commis envers une personne dont la situation de vulnérabilité en raison de l'âge, d'un état de grossesse, d'une maladie, d'une infirmité ou d'une déficience physique ou mentale était apparente ou connue de l'auteur des faits, la peine minimale prévue à l'alinéa 1er sera doublée.

    C.P. Art 398 : Quiconque aura volontairement fait des blessures ou porté des coups sera puni d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de vingt-six [euros] à cent [euros], ou d'une de ces peines seulement.  En cas de préméditation, le coupable sera condamné à un emprisonnement d'un mois à un an et à une amende de cinquante euros à deux cents euros.

  3. DGHR-SPS-OGWCIT-001 « Activités d’intégration »