Si la communication passe bien dans votre Unité (puisque depuis une semaine les Chefs de Corps, RSM et Caporaux de Corps ont été informés de la même manière que les organisations syndicales ce jour), vous n’êtes pas sans savoir que pour franchir le cap budgétaire difficile de l'année 2014, le CHOD compte réduire les frais d’investissements (-66%), les budgets de fonctionnement (-10%) et l'infrastructure...
Si trois domaines sont épargnés (le recrutement, les opérations et l'entraînement qui est uniquement lié aux opérations), d’autres ne le seront pas du tout ! Ainsi, l'entraînement quotidien des Unités sera fortement réduit, avec une diminution importante (28%) des « hommes/jours ».
Economiser jusqu’à quel point ?
On pourrait refaire la liste des économies imposées, mais de nombreuses notes ont déjà été diffusées à ce sujet et le personnel se rend déjà bien compte des premières mesures dans leur travail quotidien. Ces notes parlent de diminution de la consommation d'eau, d'électricité, d’achats de munitions, de travaux d'infrastructures, jusqu’à la suppression des certains exercices à l'étranger, du nombre d'heures de vol, du stock de carburant… mais pas des frais de représentation.
Au-delà de toutes ces mesures, qui nous entraînent dans une spirale infernale en gardant le même niveau d’ambition, la première question est de savoir quand la corde va casser ! On ne peut pas indéfiniment faire plus avec moins. Vient alors la deuxième question : quand les responsables politiques de ce pays vont-ils enfin oser un vrai débat sur l’avenir de ce Département qui court à sa perte ?
Si d’un côté le personnel doit se serrer la ceinture, sachez que l’Airbus A321 loué par l’Armée belge a des soutes si petites qu’un C-130 doit lui servir de « porte-bagages » pour les grandes missions. À plus de 5.400€ l'heure de vol, on peut s’acheter quelques cartouches d’encre pour imprimante en fin d'année ! Et il existe bien d'autres exemples.
Échec total du plan DE CREM
Ce qui devait, en principe, pérenniser l’avenir de la Défense, c’était les mesures drastiques portées par le plan de restructuration DE CREM. On voit le résultat. Tout est à refaire, faute de vision stratégique et de courage politique. Les mesures annoncées par le CHOD annoncent des choix difficiles pour le prochain MOD. Un des plus pénibles sera la structure même des catégories de personnel. Alors que nous étions encore 42.000 militaires, l’Armée comptait environ 5.000 Officiers. Aujourd’hui, avec 30.000 militaires, le nombre n’a pas changé. Quid pour l’objectif de 25.000 membres du personnel ?
Quelles missions pour l’avenir ?
Une troisième question porte sur les véritables missions que la Défense devrait assumer aujourd’hui et devra assumer demain. Dans un nouveau contexte de menaces totalement différentes de celles de la Guerre froide, rien n’a bougé.
Faut-il des F-35 pour que la Belgique puisse « entrer en premier » dans un conflit avec l’Iran, la Syrie, la Russie… ou du « Renseignement » efficace pour lutter contre des menaces asymétriques à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières ? L’artillerie belge sera-t-elle déployée un jour sur un champ de bataille ? Il existe de dizaines d'interrogations similaires...
On l’aura compris, le Département continue d’entretenir des niches extrêmement coûteuses, mais devenues inutiles. Seul un vrai débat sur les aspects structurels et les raisons conjoncturelles permettrait de sauver ce qui peut encore l’être. Sans oublier que si l’aspect « coût d’une Armée » est toujours mis en avant, son retour sur investissement ne l’est jamais. Une fois encore, les dégâts collatéraux se feront sentir, car des décisions seront prises dans la précipitation, sans pour autant mettre un terme à l’hémorragie.
On peut disserter pendant des heures, mais si le malade n’est pas rapidement amputé, la gangrène aura raison de lui. Rendez-vous pour la prochaine bilatérale, lorsque le CHOD nous dira : « Vous n’êtes pas sans savoir que pour franchir le cap budgétaire difficile de l'année 2015… », car les saignées annoncées aujourd'hui ne vont rien résoudre, si ce n'est d'affaiblir le patient.