Audition Patrick Descy Commission de la Défense - Chambre des représentants (03 mars 2010)
Avant toute chose, il convient de souligner qu’en page 44 de son plan de Transformation, le Ministre De Crem indique que les coûts totaux de personnel (ceux liés aux activités inclus) évolueront de 64,8% en 2010 vers 63,4% en 2013 ! Ce plan « one shot » en annonce donc un autre. Mais revenons à celui-ci, qui va donner lieu à des adaptations de l’infrastructure dans plus d’une cinquantaine de casernes. Si certaines modifications pourront être résolues en interne par du personnel de la Défense, moyennant quelques petits travaux, il n’en va pas de même pour les Quartiers qui devront accueillir plus de personnes que la capacité initiale ne le permet. Depuis l’annonce du plan De Crem, la CGSP a interrogé à plusieurs reprises les Autorités afin de connaitre les moyens qui seront mis en œuvre pour pouvoir disposer de bâtiments répondants aux normes du RGPT (Règlement Général pour la Protection au Travail), en termes de sécurité d’une part, tout en respectant les lois sur les marchés publics d’autre part. Aucune réponse n’a été fournie à ce jour.
L’Autorité à cependant affirmé qu’aucun militaire ne serait muté vers des installations qui ne seraient pas conformes (ce qui est aussi précisé dans le plan De Crem au chapitre VIII Infrastructures, point n° 3). Nous sommes d’avis qu’il ne s’agit pas seulement de s’inquiéter des normes sanitaires, mais également des normes anti-incendie dans les logements et les ateliers, du respect des normes environnementales, de la formation et de la composition des équipes d’intervention anti-feu, etc. Selon la Division Well Being, la Direction Générale Material Resources (DGMR) aurait réalisé un inventaire de plus de 250 bâtiments, mais rien n’a été communiqué aux organisations syndicales pour l’instant.
Nous ignorons également la manière dont la Défense pourra garantir la mise en service des installations et des bâtiments dans les délais impartis par le nouveau calendrier des mutations, qui au demeurant nous paraît bien utopique. Nous avons réclamé plusieurs fois, pour l’ensemble des Unités touchées par le plan, une liste précise du nombre de personnes qui seront mutées au sein d’une même Province, ainsi qu’à l’extérieur des Provinces. Jusqu’à présent, les organisations syndicales n’ont reçu aucune information à ce sujet. Pourtant, ces données sont fondamentales, pour nous comme pour les élus locaux. On pense, entre autres, à l’organisation de l’Aide à la Nation et aux plans d’urgence. Nous n’avons pas reçu plus d’informations quant à l’organisation des 10 nouveaux plateaux, contrairement à ce qui avait été promis par le Ministre De Crem.
Un point qu’il est peut-être utile de souligner, c’est que le passage de 38.000 vers 34.000 membres du personnel se fera principalement sur le dos des Volontaires et des Sous-officiers. Cette année, nous comptons 1 Officier pour 3 Volontaires et 3 Sous-officiers. A recrutement constant, en 2020, nous compterons 1 Officier pour 2 Volontaires et 2 Sous-officiers. Nous ne donnerons pas les statistiques pour 2030 afin de ne pas tomber dans le syndrome d’une armée mexicaine…
Par contre, là où nous aurions besoin d’Officiers, il en manque. C’est le cas de la Médecine du Travail pour les visites médicales obligatoires. La Défense n’est pas actuellement en mesure d’assumer certaines dispositions légales pour le Bien-être des travailleurs, comme les rapports annuels en matière de Médecine du Travail. L’Etat-major a reconnu officiellement qu’il était dans l’incapacité de réaliser ces rapports. La CGSP s’est vue contrainte de déposer, pour la deuxième fois, (Oct 08 + Nov 09) une plainte au Département Bien-être/ Division Inspection à l’encontre du Chef d’EM, le Général DELCOUR, qui est chargé de la gestion journalière de la Défense. Malgré cela, le problème reste entier. L’AR du 28 mai 2003 relatif à la surveillance de la santé des travailleurs pose à ce point problème que certains Chefs de Corps ont eux-mêmes saisi le Haut Comité de Concertation (HCC) afin de lancer un signal fort. Ici aussi, nous sommes inquiets pour la santé du personnel. Rien dans le plan De Crem ne nous permet de penser que la situation pourrait s’améliorer.
Or, la restructuration va pourtant augmenter inévitablement les risques pour la quasi-totalité des membres du personnel de la Défense. La charge psychosociale, l’absentéisme, les maladies du travail, sont des points sur lesquels les organisations syndicales devront rester très attentives. Mais la carence en Médecins du Travail est bien connue au sein de l’Armée belge. La réorganisation territoriale en 10 plateaux n’apportera pourtant pas de réponse à cette problématique. Rappelons, une fois de plus, que la loi du 4 août 1996 relative au Bien-être des travailleurs s’applique au personnel de la Défense, sans aucune restriction. Si le plan de restructuration devait encore aggraver la situation, nous n’aurions pas d’autres solutions que de transposer nos plaintes en externe.
Au sujet de la mobilité du personnel, souvent utilisée comme argument par le Ministre pour justifier sa restructuration, il ne nous dit pas comment une personne mutée de Lombardsijde vers Hervelee, d’Elsenborn vers Florennes ou de Bastogne vers Braaschaat fera pour se rendre à son travail ! L’A.R. « Transformation » n’est pas encore publié et il y a fort à parier que les premiers mutés devront payer de leur poche, avant d’être éventuellement remboursé des frais de déménagement. Pour la CGSP, la précipitation dont fait preuve le Ministre est dangereuse. L’accélération des fermetures est une erreur. D’autant que ce plan aura des effets collatéraux auprès de nombreux citoyens. En cette période de crise, c’est un élément à ne pas négliger, mais on l’oublie trop facilement.
Par rapport à la situation budgétaire actuelle du Département, il faut bien avouer qu’elle est la conjonction de plusieurs phénomènes, comme la réduction récurrente du budget, l’envolée des coûts du matériel et de l’équipement, ou plus récemment de la crise financière. Tout ceci fait que le personnel n’est en rien responsable de la situation dans laquelle il se retrouve. Pourtant, aujourd’hui, cette « masse salariale» (entendez par là le personnel qui ne participe pas aux Opérations extérieures !) est utilisée comme variable d’ajustement budgétaire afin de garder un niveau d’ambition constant. Faire plus avec moins peut devenir très dangereux. À force de trop tirer sur la corde, elle finit toujours par se casser. Depuis 1988 avec le plan Charlier, jusqu’en 2010 avec le plan De Crem, la Défense a réduit son personnel, son matériel, son infrastructure, mais elle a toujours augmenté ses missions.
Pour la CGSP, il est temps que cela s’arrête. Ce que nous demandons, c’est l’indexation du budget de la Défense. Et s’il faut prendre des décisions, prenons de bonnes décisions, mais pas dans la précipitation. Nous n’étions pas favorables à la fermeture de 23 Quartiers, mais plutôt à une diminution de leur superficie, tout en gardant leur efficience et une gestion correcte des deniers publics.
Notre position par rapport à la Suspension Volontaire des Prestations (SVP) pour le personnel civil est que ce système n’est pas la solution idéale. La structure d’âge de cette catégorie de travailleurs, qui ont généralement moins de 55 ans, ne permet pas d’envisager une telle mesure dans leur intérêt. Il ne faut pas commettre la même erreur que celle qui a été faite avec le personnel militaire. 2,68% de diminution de l’impact budgétaire entre 2009 et 2013, pour une diminution des effectifs de 13,04% sur la même période (Voir Plan De Crem Pg 39). Résultat, moins de personnel pour une charge de travail beaucoup plus élevée. Nous sommes d’avis qu’il faut revoir le paquet des tâches pour ces travailleurs. Régulièrement, la question nous a été posée de savoir pourquoi la mise en œuvre de ce personnel spécialisé vers d’autres SPF n’a pas été examinée.
La question des Opérations à l’étranger, bien que cela ne fasse pas partie de nos prérogatives syndicales, nous fait craindre qu’un plan de restructuration d’une telle envergure, mené de façon aussi rapide, ne laisse nos militaires abandonnés à eux-mêmes sur le terrain. En temps normal, la CGSP est déjà intervenue pour dénoncer des délais anormaux de plusieurs mois dans la livraison de matériel ou d’équipement. Nous espérons vivement que ceux qui portent fièrement les couleurs de notre pays en mission n’en seront pas un peu plus les victimes.